"Santé mentale au travail : dépassons les mythes" – une phrase qui sonne comme un appel urgent dans le monde professionnel moderne. En tant qu'intervenante en prévention, j'ai vu combien les mythes sur la santé mentale au travail peuvent être tenaces et destructeurs. Aujourd'hui, il est temps de les confronter avec audace et clarté. Mais comment faire face à ce défi dans un monde professionnel où les idées reçues sont aussi enracinées que les pratiques elles-mêmes ? Est-il temps de repenser notre approche de la santé mentale au travail ?

Je vous invite à explorer avec moi ces questions cruciales. C'est dans la confrontation de ces représentations que nous pouvons trouver les clés d'un environnement de travail véritablement sain et épanouissant. Car dépasser ces mythes, c'est ouvrir la porte à une transformation profonde et nécessaire de nos lieux de travail.

Créé par Noémie Guerrin avec Adobe Firefly (2023, Tous droits réservés)

Qu’est ce que la santé mentale ?

Dans le monde mouvant et souvent impitoyable du travail, la santé mentale reste enveloppée de mystères et de malentendus. Longtemps reléguée au second plan, considérée comme un tabou ou une faiblesse, elle mérite une attention critique, loin des mythes et des stéréotypes.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), "il n’y a pas de santé sans santé mentale".

Cette affirmation puissante nous rappelle que la santé mentale est tout aussi cruciale que la santé physique, une vérité souvent oubliée dans nos bureaux et espaces de travail. La santé, selon l'OMS, se définit par un bien-être complet - physique, mental, et social - et ne se limite pas à l'absence de maladie.

Mais de quoi parle-t-on exactement ? La santé mentale fluctue, évolue, vacille entre bien-être et mal-être, influencée par une myriade de facteurs, à la fois personnels et environnementaux. Pour Psycom, c' est une quête constante d'équilibre entre les ressources internes et externes et les défis de la vie. Cette vision dynamique de la santé mentale déconstruit l'idée reçue qu'elle est un état statique ou uniquement lié à des troubles psychiques.

En effet, une bonne santé mentale n'exclut pas la présence de troubles psychiques. Elle peut coexister avec eux, grâce à des relations sociales épanouissantes, une activité gratifiante, et une bonne estime de soi, surtout lorsqu'un soutien et des soins adaptés sont disponibles. Cela révèle une facette souvent ignorée : on peut vivre avec un trouble psychique tout en jouissant d'une bonne santé mentale. Et à l'inverse, on peut ressentir un mal-être sans souffrir d'un trouble psychique spécifique.

Notre santé mentale est façonnée par un ensemble complexe de facteurs. Ils englobent des éléments individuels comme la personnalité, le patrimoine génétique, la gestion des émotions, et l'estime personnelle, ainsi que des facteurs sociaux et environnementaux tels que les conditions de travail, le niveau de vie, l'accès à l'éducation et aux soins, et même les discriminations subies.

Déconstruire ces mythes, c'est comprendre que la santé mentale au travail ne se limite pas à une question de volonté individuelle ou à une série de clichés. C'est reconnaître sa complexité, son interdépendance avec notre environnement, et surtout, c'est ouvrir la voie à une prise en charge plus empathique, inclusive et efficace. C'est ce voyage de découverte et de compréhension que nous entreprenons aujourd'hui, en confrontant ces mythes à la réalité, pour changer les perceptions et, finalement, les comportements.

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Mythe n°1 : "Les problèmes de santé mentale ne concernent pas le monde du travail »

Je vous partage une scène vécue récemment : un open space vibrant sous le rythme effréné des claviers, des réunions qui s'enchaînent, des deadlines qui planent comme des épées de Damoclès. Et au milieu de tout cela, une croyance tenace, presque ancrée dans les murs : "les problèmes de santé mentale, ça ne nous concerne pas ici." Ah, si seulement c'était vrai !

J'ai vu des chiffres qui donnent le vertige.

Entre 2011 et 2016, les cas d'affections psychiques reconnues comme maladies professionnelles ont été multipliés par sept. Sept !

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Lors de mes interventions, j'entends souvent des "mais non, chez nous, ça va", alors que les signes ne trompent pas. Stress, burn-out, anxiété, ils sont là, tapant à la porte des bureaux, s'invitant dans les pauses café.

J'ai vu des employés, épuisés, mais souriants, me dire "ça va, ça va", alors que leurs yeux crient le contraire. J'ai assisté à des réunions où le mot "santé mentale" était lancé comme un slogan, sans vraiment prendre racine dans la réalité des employés.

Et ce n'est pas qu'une question de travail acharné. Non, c'est plus profond. C'est cette pression constante pour performer, cette peur de ne pas être à la hauteur, cette culture du "toujours plus" qui, insidieusement, grignote la santé mentale.

Alors, quand j'entends "les troubles psychiques, ce n'est pas notre affaire", je ne peux m'empêcher de penser à tous ces visages que j'ai croisés. Ceux qui, un jour, ont dû admettre que si, c'était leur affaire. Parce que la santé mentale ne choisit pas son terrain de jeu, elle s'invite là où on l'attend le moins.

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Mythe n°2 : « Les problèmes de santé mentale c’est privé, cela n’a pas d’impact sur la sphère professionnelle »

"Ce qui est privé, reste privé", voilà une phrase que j'entends souvent dans les couloirs des entreprises. Surtout quand il s'agit de santé mentale. "Ça n'affecte pas le travail", disent-ils. Si seulement c'était aussi simple !

Lorsque je discute avec des managers ou des RH, j'aborde souvent cette question épineuse. Et les faits sont là, impitoyables : l'impact des troubles psychiques sur le monde professionnel est colossal. Absentéisme, chômage, éloignement du marché du travail, voire une orientation prématurée vers les régimes d’invalidité. Ce sont des réalités que je rencontre tous les jours.

Prenons l'exemple de l'absentéisme. Il ne s'agit pas seulement d'une chaise vide au bureau. C'est un projet retardé, une équipe déséquilibrée, une charge de travail redistribuée. Et au-delà des chiffres, il y a des histoires humaines, des collègues qui, subitement, ne sont plus là.

Mais l'impact ne se limite pas à l'absentéisme. J'ai vu des professionnels brillants, lentement mais sûrement, s'éloigner de leur carrière, perdre cette étincelle qui les animait. La raison ? Un mal-être mental, longtemps ignoré, longtemps considéré comme "privé" et donc non pertinent pour le travail.

Lors des formations que je donne, j'insiste sur ce point : les problèmes de santé mentale, même s'ils prennent racine dans la sphère privée, ont des répercussions très concrètes sur le travail. Une personne en souffrance mentale peut perdre confiance en ses capacités, devenir moins productive, voire se sentir tellement dépassée qu'elle envisage une retraite anticipée ou un régime d’invalidité.

Et la réalité, c'est que la frontière entre "privé" et "professionnel" est bien plus poreuse qu'on ne le pense. La santé mentale, avec ses nuances et ses complexités, n'est pas juste une affaire personnelle. Elle tisse sa toile dans tous les aspects de la vie, y compris professionnel.

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Mythe n°3 : « Il faut vraiment être fragile psychologiquement pour faire une dépression à cause de son travail » 

"Je pensais que seuls les fragiles craquaient." Cette phrase, entendue lors d'une récente discussion avec un manager, révèle l'essence même du troisième mythe : "Il faut vraiment être fragile psychologiquement pour faire une dépression à cause de son travail ».

La semaine dernière, un directeur m'a raconté une histoire qui a bouleversé ses convictions. Dans son équipe de commerciaux, le numéro 1, un véritable pilier reconnu pour sa robustesse mentale et son efficacité, et le numéro 22, un collaborateur moins performant, ont tous deux succombé au burn out. Cette situation a mis en lumière une réalité souvent ignorée : la santé mentale ne dépend pas uniquement de la force psychologique individuelle.

Le monde du travail a subi des transformations profondes, qui peuvent s'avérer toxiques pour la santé mentale. L'intensification du rythme de travail, la précarisation des emplois, l'automatisation croissante et le télétravail, avec son lot d'isolement, sont autant de facteurs qui pèsent lourd sur l'équilibre mental.

Cette anecdote illustre parfaitement que personne n'est à l'abri. Le stress professionnel, la pression constante pour performer, les changements incessants, et la sensation de perte de contrôle ne choisissent pas leurs victimes en fonction de leur "force" psychologique présumée.

La vulnérabilité à la détresse mentale liée au travail n'est pas une question de fragilité personnelle. C'est le résultat d'un ensemble complexe de facteurs professionnels et environnementaux.

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Mythe n°4 : « Le burn-out et le bore-out ne sont pas des maladies professionnelles, c’est une nouvelle mode » 

"Il y a quelques années, on n'entendait pas parler de burn-out ou de bore-out, c'est juste une mode, non ?" C'est une remarque que j'entends souvent, reflétant le quatrième mythe : "Le burn-out et le bore-out ne sont pas des maladies professionnelles, c'est une nouvelle mode". Pourtant, la réalité est tout autre.

Le burn-out, ce syndrome d'épuisement professionnel, est une réalité tangible, ancrée dans les mutations du monde du travail. Il est reconnu non seulement comme un phénomène sérieux mais aussi comme un indicateur des risques psychosociaux (RPS) dans l'environnement professionnel. Ces RPS peuvent inclure une surcharge de travail, un manque de reconnaissance, des conflits, ou même une inadéquation entre les valeurs de l'individu et celles de l’entreprise.

Le bore-out, quant à lui, caractérise un état d'ennui profond et de démotivation dû à un manque d'engagement ou de stimulation au travail. Bien que moins médiatisé que le burn-out, il représente une forme tout aussi insidieuse de souffrance au travail.

Ces conditions ne sont pas des "modes". Elles sont les symptômes d'un environnement de travail qui, dans certains cas, échoue à soutenir adéquatement ses employés. Elles signalent une discordance entre les besoins des individus et la structure ou la culture de leur lieu de travail.

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Mythe n°5 :  « On ne peut pas prévenir les risques psychosociaux (RPS). On ne peut agir que si la personne est déjà en souffrance »

"Les risques psychosociaux (RPS), on ne peut les prévenir, on ne peut agir que quand le mal est fait." Voilà un mythe que je rencontre fréquemment dans ma pratique. Cependant, la réalité est bien différente et nettement plus encourageante.

La législation même impose aux employeurs une obligation claire : prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cela inclut la prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. 

Autrement dit, attendre que quelqu'un soit déjà en souffrance n'est pas seulement inefficace, c'est contraire aux responsabilités légales de l’employeur.

Dans mes interactions avec les entreprises, j'insiste sur le fait que prévenir les RPS est non seulement possible mais essentiel. Cela commence par une évaluation des risques, une sensibilisation aux signes de détresse psychologique, et la création d'un environnement de travail où la communication ouverte et le soutien mutuel sont la norme.

Prévenir les RPS, c'est aussi proposer des formations régulières à tous les niveaux de l’entreprise, mettre en place des plans d’actions qui favorise la santé au travail, et encourager un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée. Cela implique de reconnaître que la santé des employés est un investissement, pas une dépense.

La prévention est la clé. En abordant de front les mythes autour des RPS, nous pouvons aider les entreprises à adopter une approche proactive en matière de santé mentale. Cela signifie mettre en place des stratégies et des politiques qui visent non seulement à réagir en cas de crise, mais surtout à créer un environnement où ces crises sont moins susceptibles de se produire.

Le mythe selon lequel "on ne peut pas prévenir les RPS" doit être écarté pour faire place à une réalité plus constructive : avec les bonnes mesures et une réelle volonté, il est tout à fait possible de créer un milieu de travail où la santé mentale est protégée et valorisée. C'est en agissant avant que la souffrance ne survienne que nous pouvons véritablement faire une différence.

Notre milieu de travail peut affecter notre santé mentale et physique

Le travail peut être une force positive, offrant un sentiment d'accomplissement et d'identité, renforçant notre place dans la société. Pour beaucoup, il est une source de fierté et de réalisation personnelle. Cependant, cette même source de satisfaction peut aussi se transformer en un générateur de stress et d'anxiété. Tout comme dans notre vie personnelle, nos expériences au travail varient entre des moments de bien-être et des périodes de mal-être.

Cette dualité du monde professionnel est un aspect que nous rencontrons fréquemment. D'un côté, il y a des moments où le travail enrichit notre vie, nous offre des défis stimulants et contribue à notre estime de soi. De l'autre, il peut devenir une source de pression intense, de surcharge de travail et de conflits, menant à une détérioration de notre santé mentale.

Mais comment faire pour garder le cap vers le bien-être, surtout quand on n'a pas la main sur tout ? L'ambiance au bureau, la situation financière de l'entreprise, les conditions de travail... autant de facteurs qui semblent hors de notre contrôle.

Pourtant, sur le terrain, j'ai vu des stratégies fonctionner, des astuces simples mais efficaces pour préserver sa santé mentale au travail. Comme ces petites pauses régulières que certains s'accordent. Un moment pour s'étirer, boire un thé, écouter une chanson qui nous fait du bien. Ce n'est pas de la paresse, c'est de la recharge mentale, et ça fait une différence énorme.

Et puis, il y a cette habileté à éviter le stress inutile. J'ai rencontré des gens qui ont appris à dire "non", à classer leurs tâches sans se laisser submerger. C'est cette capacité à reconnaître ses limites, à accepter qu'on ne peut pas tout faire, qui aide à garder la tête hors de l’eau.

Une technique que j'ai souvent vue appliquée avec succès, c'est celle de décomposer les tâches les plus importantes en petits objectifs réalisables. Cela rend l'insurmontable, bien, surmontable.

Demander de l'aide, aussi, c'est crucial. J'ai vu des équipes où l'entraide est une seconde nature, et ça change tout. C'est dans ces équipes que les gens osent dire "Je ne sais pas", sans crainte d'être jugés. OUI n'oublions pas la puissance de l'entraide. Rendre service à un collègue, ça ne diminue pas seulement son stress, mais aussi le nôtre. C'est une sorte de magie du lieu de travail.

Ces stratégies ne vont pas transformer votre lieu de travail du jour au lendemain, mais elles peuvent faire une grande différence dans votre vie professionnelle.

Quand le travail devient source de souffrance : comprendre et agir 

Parfois, le travail se transforme en une machine à broyer l'âme et l'esprit. Ce n'est pas juste une phrase dramatique, c'est une réalité que j'ai rencontrée à de nombreuses reprises.

Prenons le syndrome de l'épuisement professionnel dont on parlait plus haut, plus communément appelé burnout. C'est un état de surmenage extrême, où la personne se consume littéralement au travail, jusqu'à l'épuisement émotionnel, physique et psychique. C'est souvent le résultat de tensions fortes et d'exigences émotionnelles intenses au travail.

Mais ce n'est pas tout. Les conditions de travail difficiles peuvent engendrer ou aggraver des problèmes de santé mentale. On parle ici de risques psychosociaux (RPS), un terme qui regroupe des situations variées : stress, harcèlement moral ou sexuel, conflits, violences, burnout... Ces facteurs peuvent mener à un mal-être profond, à des addictions, et à une détérioration de la santé physique et mentale.

Les pathologies psychiques liées au travail se divisent en deux grandes familles : les pathologies de surcharge et celles de la solitude. Les premières sont celles de l'excès – burnout, épuisement, addictions, hyperconnectivité. Les secondes naissent de l'isolement, des nouvelles formes d'organisation du travail qui brisent les solidarités et mènent parfois au pire, comme les conduites suicidaires.

Faire le lien entre les troubles psychiques et le travail, c'est un débat animé. D'un côté, certains pointent du doigt des managers toxiques et des salariés fragiles. De l'autre, des études cliniques et épidémiologiques démontrent que l'organisation du travail est un facteur déterminant.

Souffrance et travail

Sur le terrain, les choses sont claires : l'organisation du travail a un impact direct sur la santé mentale. Et c'est là que le rôle des entreprises devient crucial. Il ne s'agit pas seulement de soigner les symptômes, mais de repenser l'organisation du travail pour la rendre plus humaine, plus soutenante.

Vers un avenir professionnel humanisé

En parcourant les couloirs des entreprises, en écoutant les histoires et en observant les visages, j'ai appris une chose : le travail est un miroir reflétant les complexités de la vie elle-même. À travers des discussions sincères et des observations attentives, j'ai vu combien les conditions de travail, dans leur ensemble, façonnent profondément l'expérience humaine au sein de l’entreprise.

Il y a ces moments où le travail est une source d'énergie, d'ambition, et de fierté. Mais il y a aussi ces jours sombres où il devient un poids, une source d'épuisement et de tension.

J'ai été témoin de la puissance transformatrice d'un environnement de travail bienveillant, où chaque employé se sent écouté, valorisé et soutenu.J'ai appris que l'écoute est la première étape cruciale. Entendre vraiment les employés, comprendre leurs besoins, leurs craintes et leurs espoirs, c'est le fondement d'un milieu de travail sain. Créer des espaces de dialogue, où la parole est libre et respectée, où les idées et les préoccupations peuvent être partagées sans crainte, est indispensable.

Mais l'écoute seule ne suffit pas. Il faut agir. Aborder les problèmes à la racine, repenser l'organisation du travail, réévaluer les pratiques pour qu'elles favorisent réellement la santé au travail. Et cela signifie parfois de remettre en question les normes établies, d'oser innover, de prendre des décisions audacieuses pour le bien-être collectif.

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