"Toute situation toxique est remarquable dans le fait que l'on se sent « moins » après l'avoir vécue." Cette simple phrase résonne avec une vérité criante, celle de la souffrance silencieuse endurée au travail, souvent dans l'ombre d'un environnement qui devrait pourtant nourrir notre épanouissement professionnel et personnel. Face à cette réalité, une question s'impose avec acuité : comment des lieux conçus pour le développement et la collaboration peuvent-ils se muer en espaces où l'on se sent diminué, jour après jour ?

Le sujet abordé dans "Au-delà du malaise : démystifier le management toxique" est un thème qui me tient à cœur, autant par sa fréquence d'apparition dans mes interventions que par son impact profond. Ce sont des situations souvent invivables, où les protagonistes se retrouvent pris au piège sans issue apparente, à différentes échelles mais toujours avec un point commun : les personnes touchées peuvent être n'importe qui. Personne n'est à l'abri. Les récits et témoignages que j'ai recueillis au fil de mes entretiens en entreprise ou dans des discussions plus intimes révèlent une réalité universelle – le management toxique ne connaît pas de frontières, ni dans les secteurs d'activité, ni dans les niveaux hiérarchiques.

Créé par Noémie GUERRIN avec Adobe Firefly (2024, Tous droits réservés)

Décryptage du management toxique : entre théorie et vécu

Qu'est ce que le management toxique ?

"Je me sens complètement impuissant(e), comme si quoi que je fasse, ça ne change rien. »

"Je ressens une anxiété constante à l'idée d'aller au travail, mon estomac se noue rien qu'en y pensant. »

"Je me sens piégé(e) dans ce travail, incapable de partir mais malheureux(se) de rester. »

Des mots qui me reviennent sans cesse, témoignant des nombreuses fois où j'ai été confronté à des atmosphères de travail étouffantes, à ces environnements où l'on se sent diminué, moins vivant. Ces expériences, loin d'être isolées, sont le reflet d'une réalité bien plus sombre et répandue dans le monde du travail : le management toxique. 

Il peut être défini comme un ensemble de pratiques managériales qui nuisent à la santé mentale, émotionnelle et parfois physique des employés.

Il se caractérise par une incapacité à réaliser des tâches de manière saine et une pression émotionnelle continue, résultant en un environnement de travail délétère.

Le management toxique ne se limite pas aux cas extrêmes de harcèlement ou d'abus de pouvoir. Il se manifeste aussi dans les attentes irréalistes, la communication déficiente, la reconnaissance insuffisante, et dans la façon dont les entreprises gèrent la pression et le stress. Ces éléments, bien que moins visibles, contribuent à un environnement où l'épanouissement personnel et professionnel devient une lutte quotidienne.

Loin de se limiter à une critique unilatérale, je propose dans cet article une réflexion sur le rôle que nous jouons tous, volontairement ou non, dans la perpétuation de ces dynamiques professionnelles nuisibles. Nous pouvons tous, à différents niveaux, contribuer à ces atmosphères toxiques - par nos actions, nos silences, ou nos choix managériaux. Reconnaître que nous sommes parfois, sans le savoir, les vecteurs de ces processus toxiques me semble un premier pas essentiel.

Comment cela se manifeste ?

Le management toxique se manifeste à travers divers comportements et pratiques nuisibles, parmi lesquels :

  • Objectifs irréalistes et pressions constantes : l'imposition d'objectifs inatteignables, accompagnée d'une pression constante pour les atteindre
  • Manque de reconnaissance et de valorisation : la négligence des contributions individuelles et le manque de reconnaissance du travail 
  • Communication toxique : le manque de clarté dans les communications, les critiques constantes, les remarques désobligeantes, et une tendance à blâmer plutôt qu'à encourager.
  • Micromanagement excessif : une surveillance et un contrôle excessifs sur les tâches et les méthodes de travail des employés peuvent donner lieu à un sentiment d'étouffement et à une perte d’autonomie.
  • Favoritisme et discrimination : privilégier certains employés au détriment d'autres, basé sur des critères non professionnels, crée un sentiment d'injustice et de ressentiment.
  • Culture de la peur et du silence : un environnement où les employés ont peur de s'exprimer, de donner leur avis ou de signaler des problèmes, souvent dû à la crainte de représailles.
  • Harcelèment moral ou physique : comportements abusifs, intimidations, et agressions verbales ou physiques qui créent une atmosphère hostile.
  • Épuisement professionnel encouragé : encourager une culture du travail excessif au détriment d’une harmonie entre notre travail et notre vie personnelle.

Au coeur de la tourmente 

Je vous partage avec beaucoup d'émotions le témoignage anonyme d'une jeune femme que nous appellerons Alba, qui dépeint avec sincérité les défis quotidiens dans un environnement de travail difficile. Elle décrit une culture d'entreprise instable, dictée par les humeurs changeantes d'un dirigeant isolé, et les répercussions sur sa santé mentale et celles de ces collègues.

• Comment se passe une journée normale pour toi au travail ? Ma journée type : une arrivée à 8h. Je travaille en open space et en flex office. Les arrivées sont échelonnées entre 8h et 9h et les journées se terminent donc entre 17h et 18h. Cet aménagement d'horaires a été un combat à faire accepter à la direction et est en place depuis un peu plus d'1 an. Mon environnement de travail est souvent bruyant et l'espace ne permet que très peu d'isolement pour favoriser la concentration. La direction se compose d'un seul dirigeant isolé dans son bureau à qui il faut dire "bonjour" systématiquement sous peine de remontrances. Le travail quotidien alterne entre des rdv clients en extérieur ou au bureau, des réunions projets et des moments à son poste. Le tout reste très sédentaire. Ma journée se termine à 17h (c'est un choix en raison de mes contraintes personnelles) et c'est toujours mal vu par la direction de partir à cet horaire même si le temps de travail effectif est le même pour tout le monde.

• Comment tu décrirais l'ambiance et les valeurs dans ton boulot ?
La culture d'entreprise est portée uniquement par le directeur et elle change au gré des humeurs de ce dernier. Rien n'est réellement défini et acté. Nous pouvons tout à fait passer d'une culture de la performance à une culture de l'innovation avec un fond de responsabilité environnementale et tout ça dans la même année. Le terme qui revient régulièrement lorsque l'on parle de cette culture organisationnelle est "paternelle".... L'objectif d'une culture d'entreprise est de créer un environnement de travail qui favorise la performance, la motivation et la satisfaction des employés, ce n'est pas le cas. Le directeur décide de tout sans jamais avoir pris la peine d'insuffler des valeurs communes, de rédiger une charte d'équipe, etc. Nous savons juste que dans la relation clients nous devons être corvéables à merci, pour le reste ?


• Comment tu te sens en allant au travail ? Tu penses à quoi souvent sur le trajet ?
Le trajet est long pour me rendre au bureau et la pensée qui me traverse le plus régulièrement est de savoir si je vais croiser mon directeur dans la journée et de quelle humeur il sera. Son état d'esprit du jour donne généralement le ton à nos journées, l'ambiance générale est déterminée par sa bonne ou sa mauvaise humeur.
 


• Comment ton directeur perçoit-il tes idées et ton travail ?
Le directeur n'a aucune confiance en ses salariés. Toutes productions qui n'émanent pas de lui sont retouchées, remodelées, réécrites. Lorsqu'il nous demande un rendu pour un client, il repasse systématique dessus. Lorsqu'il nous demande de produire une idée, il la corrige à tous les coups. Et si toutefois un projet a vu le jour sans son consentement, il le critique. Il n'a pas pour objectif de nous faire grandir ou progresser, il nous donne juste l'impression d'être ses assistants. Il lui est même parfois arrivé de nous critiquer en rdv et devant le client sous forme de moqueries.


• Y a-t-il des moments où tu as dû modifier certaines de tes façons de faire pour répondre aux attentes de l'entreprise ? Qu'est ce que tu ressens face à ça ?
Bien sûr ! Chaque entretien annuel est l'occasion pour moi d'une grosse source de stress mais également d'une véritable remise en question. Lors de ce tête à tête, le déroulé prévoit une synthèse de l'année précédente, celle-ci n'est jamais valorisante. Mon manager n'a jamais exprimé un compliment, n'a jamais noté un point positif ou ne serait-ce qu'un encouragement. Les jours qui suivent cet exercice sont synonymes d'une grande incompréhension, de beaucoup de confusion et d'une grande colère. Ai-je vraiment d'autre choix que d'adopter l'attitude qu'il attend ?


• Peux-tu partager une situation où tu as eu l'impression que tes préoccupations ou tes besoins n'étaient pas écoutés ou pris en compte par ta hiérarchie ?
Très récemment j'ai alerté mon supérieur sur ma charge de travail en lui demandant une réorganisation et une re-répartition des missions. Son retour ? Il m'a accusé de mal m'organiser, m'a rappelé que j'avais du retard sur certains dossiers qu'il attendait, m'a dit qu'il me sollicitait peu en sous entendant qu'il ne voyait donc pas a quoi j'étais occupée et a fini par me dire que tout le monde était dans le même cas. En bref il n'a pas entendu mon appel à l'aide et il s'est montré méprisant.


• Face à ces défis, comment trouves-tu du soutien ou des ressources pour gérer ces situations ?
Mes ressources sont de deux types : - la sphère personnelle : ma famille est mon refuge et je sais que si je supporte cette situation c'est aussi pour eux. J'essaie également de faire un maximum de sport pour évacuer stress et colère. Je ne parle pas de tout ce que je vis à la maison en rentrant, ça m'évite aussi de ramener un bagage émotionnel trop lourd dans ma vie privée. - la sphère pro : j'ai à coeur de continuer à être une bonne manager. J'ai le sentiment de faire preuve d'intelligence émotionnelle avec mon équipe, de leur faire confiance, de les respecter et de les accompagner ainsi au mieux dans leur quotidien. Mon équipe est exceptionnelle et ils m'inspirent. C'est ce qui me fait tenir. 

• Quels changements aimerais-tu voir mis en place dans ton environnement de travail pour améliorer ton expérience et celle de tes collègues ?
Il n'y a que très peu de place pour les initiatives de chacun, je n'ai aucun espoir sur le fait que les choses puissent évoluer ou changer un jour. Un changement de direction serait la seule alternative. Il faudrait dans ce cas mettre en place un audit qui viserait à pointer les problématiques managériales pour ensuite prévoir un accompagnement du dirigeant, des managers et une formation de tous les salariés dont les mots d'ordre seraient : écoute, bienveillance, respect et confiance. On peut rêver non ?

Créé par Noémie GUERRIN avec Adobe Firefly (2024, Tous droits réservés)

Le management toxique : interpréter les signaux

Ignorance et dénégation des indicateurs critiques 

Ce que j’observe dans mon quotidien, c’est une réalité troublante : une incapacité ou une réticence manifeste à interpréter correctement les signaux qui devraient nous alarmer sur les environnements de travail toxiques. Malgré leur abondance, ces indicateurs, tels que les arrêts de travail prolongés, la recrudescence des troubles psychiques parmi les employés, le turn-over élevé, sont souvent minimisés ou ignorés par les organisations. D'autres signes, comme une baisse notable de la productivité, une augmentation des conflits internes, ou encore une détérioration de l'engagement des employés, sont autant de symptômes révélateurs d'un malaise plus profond au sein de la structure organisationnelle.

Cette négligence ou cette mauvaise interprétation des signes avant-coureurs ne fait qu'exacerber le problème, contribuant à l'entretien d'une culture où la santé mentale des employés est relégué au second plan. Les répercussions de cette attitude sont multiples et touchent tant l'individu que l'organisation dans son ensemble : dégradation du climat de travail, perte de talents précieux, réputation ternie auprès des clients et des partenaires, sans compter les coûts indirects liés à l'absentéisme, à la diminution de l'engagement et à la baisse de la qualité du travail fourni.

L’exemple de la rupture conventionnelle 

Prenons cet exemple, puisqu’il est d’actualité avec le titre à la une par le journal Marianne « Plein-emploi en ligne de mire : le gouvernement réfléchit à réformer la rupture conventionnelle » 

Instituée comme une alternative "à l'amiable" entre employeur et employé pour mettre fin à un contrat de travail, la rupture conventionnelle se veut être une solution équilibrée. Si l’on reste dans un contexte de management toxique, cette mesure peut parfois servir de voile dissimulant des pratiques managériales délétères, permettant aux entreprises de se séparer "proprement" d'employés se trouvant dans des environnements de travail nuisibles sans véritablement adresser les racines du problème.

On remarque une hausse considérable des ruptures conventionnelles. Une réflexion profonde s’impose donc sur ce que cet indicateur révélateur du climat de nos organisations de travail. Selon les statistiques récentes de la DARES, le recours à la rupture conventionnelle a littéralement explosé, passant de 40 000 cas à leur création en 2008 à 500 000 l'année dernière. 

La volonté de faire taire cet indicateur par une modification ou une suppression m’inspire cette image : "Ce n'est pas en jetant le thermomètre à la poubelle que je n'aurai plus de température ou que je ne serai plus malade." Autrement dit, ignorer ou minimiser cet indicateur ne fera pas disparaître les problématiques sous-jacentes qu'il cherche à nous signaler.

L'augmentation des demandes de ruptures conventionnelles, couplée à la tendance de la "grande démission", doit être vue comme un signal d'alarme, révélant une nécessité urgente de réinterroger nos organisations de travail. 

Bien que toutes les causes de ces phénomènes ne soient pas directement liées au management toxique, cet aspect reste essentiel dans la compréhension globale de la situation. Ces indicateurs sont le reflet d'un mal-être au travail, d'une recherche de sens et d'un besoin de reconnaissance qui ne trouvent pas de réponse dans le cadre actuel.

La rupture conventionnelle, dans ce contexte, s'apparente au vote blanc lors des élections : c'est l'expression d'une voix qui cherche à se faire entendre, mais qui reste non interprétée. Elle symbolise la décision de nombreux salariés de se retirer d'un environnement qui ne leur convient plus, sans pour autant que les raisons profondes de ce malaise soient adressées ou même reconnues par l’entreprise.

Comment nos organisations peuvent se mettre réellement à l'écoute des salariés pour prévenir ces situations ? Cela passe non seulement par une écoute active et une prise en compte sérieuse des retours des employés, mais également par la mise en place de mécanismes permettant d'exprimer librement les préoccupations, les suggestions et les critiques. Ignorer ces voix, ou pire, supprimer les possibilités de les exprimer directement, ne fait qu'aggraver le sentiment d'isolement et de frustration des salariés, contribuant ainsi à l'intensification du phénomène de rupture conventionnelle.

Et il ne s'agit pas seulement d'apporter des solutions ponctuelles à des problèmes individuels, mais de s'engager dans une démarche globale de transformation des pratiques managériales et organisationnelles. En s'attaquant aux racines du malaise au travail, les entreprises peuvent non seulement réduire le nombre de ruptures conventionnelles, mais aussi favoriser un climat de confiance, de respect et d'engagement mutuel.

Créé par Noémie GUERRIN avec Adobe Firefly (2024, Tous droits réservés)

 La nuance dans le dialogue entre management et santé mentale

L'évolution de la conception du management et le rôle de la santé mentale

Actuellement, et je m’en réjouis, car cela signifie que nous évoluons dans notre conception du management, le dialogue entre le monde professionnel et la santé mentale devient de plus en plus prégnant. Bémol tout de même, sur l’importance d'un langage précis et éclairé qui ne peut être sous-estimée. 

Un exemple flagrant de cette nécessité est l'utilisation, souvent abusive, du terme "pervers narcissique". Popularisé dans le langage courant et sur les réseaux sociaux, ce concept trouve ses racines dans la psychologie, mais sa signification s'est diluée, voire déformée, au gré des interprétations.

La confusion commence lorsque des comportements manipulatifs, courants dans les relations interpersonnelles difficiles, sont rapidement étiquetés de "pervers narcissiques". Or, selon le DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), le trouble de la personnalité narcissique se caractérise par une tendance omniprésente à la grandiloquence, un besoin excessif d'admiration et un manque d'empathie

Démystification du "pervers narcissique" dans le milieu professionnel

Le diagnostic repose sur une série de critères cliniques bien définis et le traitement s'oriente souvent vers la psychothérapie psychodynamique.

Des études montrent que seulement environ 1,6% des gens vivent ce trouble, et il arrive plus souvent chez les hommes que chez les femmes. Les personnes en souffrant ont souvent aussi d'autres problèmes de santé mentale, comme la dépression, des problèmes alimentaires ou d'autres troubles de la personnalité.

La véritable psychopathologie du pervers narcissique, bien au-delà des caricatures véhiculées, implique une dynamique complexe de manipulation, de stratégie et de prédation, où la dimension narcissique prédomine. Ce n'est pas simplement un individu au comportement tyrannique ou manipulateur ; il s'agit d'une structure psychique où la manipulation et la domination de l'autre sont au cœur de l'interaction.

Un véritable pervers narcissique dans le cadre professionnel est celui qui, par ses actions calculées, utilise ses collègues ou subordonnés à des fins personnelles, les drainant de leur énergie et de leur estime de soi. Il crée autour de lui une aura de charme et de séduction, se positionnant comme une figure quasi incontournable, un "roi" de l'environnement de travail. 

Cependant, cette séduction n'est qu'un leurre : derrière se cachent des relations toxiques basées sur la domination, l'emprise psychologique, et la disqualification des autres.

Ce type de personnalité peut se manifester sous diverses formes dans le milieu professionnel : un patron qui use de son autorité pour humilier, un collègue qui se fait passer pour un ami tout en cherchant à tirer avantage, ou une relation de travail qui vire à l'exploitation émotionnelle et psychique. La victime, avant de reconnaître sa position de telle, peut initialement valoriser et idéaliser son bourreau, contribuant à renforcer le cycle de manipulation.

La dynamique perverse se caractérise par le transfert du mal-être du manipulateur vers sa victime. Tel un venin, les souffrances et les frustrations du pervers sont injectées dans l'autre, qui se retrouve alors à porter le poids de ces tourments. Cette transmission de souffrance est un indicateur clé de la présence d'un pervers narcissique.

Ce détour par la psychologie clinique met en évidence l'importance cruciale de nommer correctement les situations et les comportements. L'abus du terme "pervers narcissique" pour qualifier toute personne difficile ou manipulatrice dilue non seulement la compréhension de ce trouble complexe mais nuit également à ceux qui en sont réellement victimes. Un langage précis permet non seulement une meilleure identification des problèmes mais aussi une approche plus éclairée et efficace dans leur prise en charge.

Attention à la distinction et désignation des troubles psychiques

Il ne faut pas confondre le trouble de la personnalité narcissique avec d'autres troubles psychiques. La stigmatisation et la méconnaissance peuvent mener à des amalgames préjudiciables, non seulement pour ceux qui souffrent de ces troubles, mais aussi dans la manière dont nous abordons la santé mentale dans notre société. 

Selon le DSM-5, un trouble de la personnalité est défini comme un mode durable de l'expérience intérieure et du comportement qui s'écarte nettement des attentes de la culture de l'individu, est omniprésent et inflexible, débute à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, est stable dans le temps et entraîne une détresse ou une altération du fonctionnement. 

Traduction : c'est quand la manière dont une personne ressent les choses et se comporte est très différente de ce que la plupart des gens autour d'elle considèrent comme normal. Cette différence est constante et ne change pas avec le temps, commence souvent quand la personne est jeune, et peut causer des problèmes ou rendre la personne malheureuse.

Le trouble de la personnalité narcissique est l'un des nombreux troubles de la personnalité identifiés, chacun ayant ses propres critères diagnostiques qui reflètent des modèles spécifiques de pensée, de sentiment et de comportement.

"Le management toxique : Harcèlement, intolérances, missions impossibles... Comment s'en sortir ?" de Patrick Collignon et Chantal Vander Vorst

La formation des managers et la culture d’entreprise

Comprendre le spectre du management toxique

Le management toxique dépasse la simple question du harcèlement. Dans notre quotidien professionnel, de nombreuses pratiques nuisibles, bien que moins évidentes que le harcèlement, peuvent s'avérer tout aussi toxiques. La perception de la toxicité varie grandement d'une personne à l'autre, soulignant que souvent, ces situations découlent d'une communication défaillante. Cela met en exergue la nécessité de doter les managers non seulement de compétences techniques mais aussi d'une compréhension approfondie des dynamiques humaines.

Les conclusions des Assises du Travail, rendues publiques en avril 2023, marquent un tournant crucial dans notre approche des pratiques managériales. Elles soulignent l'urgence de repenser ces pratiques face aux défis posés par les transitions écologique et numérique, qui accentuent les risques pour la santé au travail. Ce moment de réflexion collective met en lumière la relation complexe entre santé et travail dans la France d'aujourd'hui, nous amenant à questionner l'acceptabilité de conditions de travail pouvant nuire à la santé et accélérer l'usure professionnelle.

Selon une étude récente, le travail possède le potentiel d'être une source majeure d'épanouissement et de santé, notamment à travers la satisfaction et la fierté d'accomplir des tâches ayant une valeur concrète pour la communauté. Cela nous pousse à réfléchir aux conditions de travail et à leur capacité à faire du travail non seulement une source de revenu mais aussi un vecteur de développement personnel et de bien-être.

Dans le contexte du management toxique, cette réflexion prend une dimension particulière. Tout style de management qui repose sur l'instauration d'un climat de peur ou de stress chronique — où les employés sont constamment sous pression, craignant pour leur poste ou devant surperformer sans reconnaissance — s'oppose diamétralement à l'idée que le travail devrait contribuer positivement à la santé de l'individu. Le management par la peur, par exemple, se base sur la menace, réelle ou perçue, de conséquences négatives pour motiver les employés, tandis que le management par le stress impose des exigences souvent irréalisables, générant anxiété et épuisement professionnel.

Au-delà de la hiérarchie : prévenir la toxicité à tous les niveaux

La toxicité au travail n'est pas un problème qui se limite aux interactions entre supérieurs et subordonnés. Elle peut surgir à tous les niveaux de l'organisation, entre collègues de même rang ou même dans des équipes où la structure hiérarchique est floue ou inexistante. 

La culture d'entreprise joue donc un rôle déterminant dans la facilitation ou la prévention des dynamiques toxiques. Une culture qui valorise la transparence, le respect mutuel, et la communication ouverte est moins susceptible de voir émerger des comportements nuisibles. Inversement, une culture d'entreprise où règnent l'opacité, la compétition à outrance et la peur de l'échec crée un terreau fertile pour la toxicité.

Cela implique pour les entreprises d'adopter une politique de tolérance zéro envers les comportements toxiques. Cela signifie prendre des mesures fermes et immédiates contre la discrimination, le harcèlement, et tout autre type de comportement nuisible, sans exception ni excuses, quel que soit le poste ou la fonction de l'individu impliqué. Une telle approche nécessite du courage pour affronter directement les problèmes lorsqu'ils surviennent, et c’est peut-être là le plus grand challenge : être courageux.

Mettre en œuvre une culture d'entreprise positive et inclusive n'est pas seulement une question de politiques formelles ; c'est aussi encourager activement un esprit de soutien et de bienveillance parmi tous les membres de l'organisation. 

Cette démarche est donc doublement gagnante : non seulement elle aide à prévenir les comportements nocifs mais aussi à renforcer la confiance et la cohésion au sein des équipes, favorisant ainsi un environnement de travail où chacun peut exceller.

Retrouvez chaque mois nos articles sur santedudirigeant.fr

Ouvrages ayant contribué à la rédaction de cet article : "Le management toxique : Harcèlement, intolérances, missions impossibles... comment s'en sortir ?" de Patrick Collignon et Chantal Vander Vorset, "Que sait-on du travail" par Le Monde & Sciences Po