Chaque fois qu’on parle de la santé mentale des femmes, le sujet déclenche des réactions immédiates : “Oui, mais il y a des hommes aussi.” “Pourquoi parler spécifiquement des femmes ?” Ces remarques, qu’on entend sans cesse, passent à côté de l’essentiel. Ce n’est pas une compétition, ni une tentative de diviser. C’est un fait : les femmes subissent des pressions spécifiques, alimentées par des schémas sociaux, professionnels et familiaux profondément enracinés. Et ces pressions ne disparaîtront pas tant qu’on continuera à les ignorer ou à les minimiser.

Alors oui, parlons-en, pas pour opposer les genres, mais pour comprendre. Comprendre pourquoi les femmes portent encore, majoritairement, la charge mentale domestique et familiale. Pourquoi elles culpabilisent lorsqu’elles prennent du temps pour elles. Pourquoi elles s’épuisent à concilier des attentes irréalistes, et pourquoi cela mène trop souvent à des burn-outs silencieux.

Préserver la santé mentale des femmes : enjeux et solutions concrètes. C’est le sujet choc avec lequel je vous propose de commencer 2025. Une réflexion essentielle pour bousculer nos certitudes, déconstruire les inégalités et, peut-être, enfin changer la donne.

Créé par Noémie GUERRIN avec Adobe Firefly (2024, Tous droits réservés)

Double journée, double vie, double rôle

Je vous propose donc de creuser davantage ces inégalités invisibles qui pèsent sur les épaules des femmes. La santé mentale des femmes n’est pas qu’une question individuelle, elle reflète un déséquilibre structurel. Et parmi les mécanismes les plus insidieux qui alimentent ce déséquilibre, il y a cette fameuse "double journée".

Marie Pezé, docteure en psychologie et spécialiste du burn-out, l’explique parfaitement dans une interview pour Le Monde :

"Dans notre pays, les femmes doivent s’adapter à des horaires excessifs, dans une organisation du travail pensée pour les hommes, où l’on doit prouver à l’entreprise son engagement par un présentéisme. Cela les dessert forcément, car elles doivent le plus souvent assumer la double journée."

La double journée, c’est un joli terme, pour parler d’une réalité bien moins glamour. C’est cette complexité d’endosser deux vies en une : celle des responsabilités professionnelles et celle des obligations familiales. Et entre les deux, la fameuse charge mentale, ce poids invisible qui suit partout : dossier à boucler, maison à gérer, heures supplémentaires à enchaîner, enfants à s’occuper… Pas étonnant que tant de femmes finissent par se sentir totalement surmenées.

Ce poids qui pèse sur leurs épaules ne concerne pas uniquement les femmes avec des enfants. Bien au contraire, les chiffres confirment son ampleur. Une enquête de l'Insee (Emploi du temps, 2021) révèle que 69 % des femmes actives ressentent une pression importante pour concilier vie professionnelle et familiale, contre 49 % des hommes. Et même sans enfants, la charge mentale domestique reste largement genrée : 80 % des tâches domestiques sont encore assurées par les femmes dans les foyers français.

Cette réalité souligne l’inégalité persistante dans la répartition des responsabilités au sein des ménages. Que ce soit pour gérer les enfants, planifier les repas ou s’occuper des tâches quotidiennes, les femmes restent les premières sollicitées, qu’elles soient mères ou non. Une situation qui continue de nourrir leur surcharge mentale et de fragiliser leur santé mentale.

Une autre statistique tout aussi parlante : les femmes assument en moyenne 1h30 de plus par jour que les hommes pour ces tâches, selon une étude menée par le Ministère de l'Égalité entre les femmes et les hommes en 2023. Cela représente près de 10 heures supplémentaires chaque semaine, s’ajoutant à leur journée de travail rémunéré.

Ce déséquilibre, couplé à des attentes professionnelles exigeantes et souvent pensées dans une logique masculine, contribue à intensifier la charge mentale et le surmenage chez les femmes. Ces données illustrent que loin d’être un phénomène isolé, cette double journée est une réalité structurelle, avec des conséquences directes sur leur santé mentale et physique.

Les conséquences sur la santé psychique, physique et sociale

Ce qui se passe dans la tête, bien au-delà de ce qu’on fait

Concrètement, la charge mentale, c’est quand la journée commence à peine, mais que la tête est déjà pleine. Prenons l’exemple de Céline, mère de deux enfants et cadre dans une PME. Après une journée de travail bien remplie, elle récupère les enfants à l’école. En voiture, elle répond à leurs questions sur les devoirs, tente de calmer une dispute à propos d’un jouet et réalise qu’elle a oublié de répondre à un SMS de l’enseignant au sujet de la sortie scolaire de vendredi.

Sur le chemin du retour, elle s’arrête au supermarché pour acheter de quoi préparer le dîner. Là, elle se souvient qu’elle doit aussi penser à :

  • Commander un gâteau pour l’anniversaire de son fils dans deux semaines.
  • Acheter des chaussons pour sa fille, car les anciens sont trop petits.
  • Vérifier s’il reste assez de lessive pour tenir la semaine.

Quand elle arrive à la maison, son mari est déjà là. Il lui demande : « Je peux faire quelque chose pour t’aider ? » Elle lui demande de surveiller les enfants pendant qu’elle prépare le dîner. Une fois le repas prêt, ils mangent ensemble, mais c’est Céline qui doit penser à ce que chacun mange et à ce qu’il faut éviter, car leur plus jeune enfant a des allergies alimentaires.

Après le dîner, son mari débarrasse la table, geste qu’il considère comme une aide précieuse. Mais pendant ce temps, Céline :

  • Vérifie le contenu des sacs d’école pour s’assurer qu’il ne manque rien pour le lendemain.
  • Répond à un e-mail urgent de son manager, qui a besoin d’un document « pour demain matin ».
  • Aide sa fille à réviser une poésie, tout en gardant un œil sur son fils qui traîne avant d’aller se brosser les dents.

Une fois les enfants couchés, Céline commence une lessive. Pendant que la machine tourne, elle réfléchit :

  • Au repas du lendemain soir : y a-t-il assez de légumes dans le frigo ?
  • À ce qu’il faudra prévoir pour les vacances scolaires dans deux mois, car il faudra poser des jours pour garder les enfants.
  • Au cadeau d’anniversaire de sa belle-mère, car elle ne veut pas oublier de lui faire plaisir.

Son mari revient, fier de lui : il a sorti les poubelles. Un geste certes utile, mais qui ne répond qu’à une infime partie de la charge mentale de Céline.

Car la charge mentale, ce n’est pas simplement ce qu’on fait, c’est tout ce à quoi on doit penser. Même si son mari « aide », il ne prend pas toujours l’initiative ou ne partage pas forcément l’anticipation des tâches.

Un fardeau invisible qui dépasse la sphère familiale

Le problème, c’est que Céline est la seule à être la pilote au quotidien.

D'ailleurs Céline pourrait très bien s’appeler Pedro. Car ce que l’on décrit ici, c’est une situation qui dépasse le genre, dès lors qu’une personne se retrouve à porter seule la responsabilité de prioriser, planifier, et déléguer. Que l’on soit une femme ou un homme, ce rôle de chef d’orchestre, bien qu’invisible, est épuisant.

Et là, nous n’avons parlé que de la partie « préoccupations familiales » de Céline. Nous n’avons même pas touché du doigt tout le reste. La charge mentale ne s’arrête pas à la porte de la maison. Céline jongle aussi avec des responsabilités professionnelles et des injonctions sociales omniprésentes :

  1. Au travail :
    • Elle doit respecter les échéances d’un projet stratégique tout en répondant aux petites demandes urgentes qui tombent chaque jour.
    • Elle se demande constamment comment prouver qu’elle mérite cette promotion sans pour autant sembler « trop ambitieuse ».
    • Elle réfléchit à sa prochaine évaluation, à l’impact de ses efforts et à la manière dont ses collègues ou supérieurs la perçoivent.
  2. Dans son apparence :
    • Elle culpabilise de ne pas pouvoir trouver le temps de reprendre le sport après les fêtes, avec cette pensée persistante qu’elle devrait « perdre quelques kilos ».
    • Elle planifie des rendez-vous pour l’épilation ou le coiffeur, car elle redoute les regards critiques dans un cadre professionnel ou social.
    • Elle s’inquiète de sa tenue pour un événement à venir, en se demandant si elle est assez professionnelle ou classe.
  3. Dans sa vie sociale et personnelle :
    • Elle doit organiser un dîner entre amis qu’elle repousse depuis des semaines, craignant d’être perçue comme « celle qui n’a plus de vie sociale ».
    • Elle se souvient qu’elle doit répondre au message d’un membre de sa famille, mais le temps manque toujours.

Et tout cela, c’est Céline qui y pense, qui l’anticipe. Son mari participe, bien sûr. Il débarrasse la table, sort les poubelles, joue avec les enfants. Mais il “aide”. Il ne partage pas pleinement la charge mentale. Il n’est pas celui qui planifie les repas, ni celui qui se souvient des détails logistiques des activités, ni celui qui pense aux échéances administratives.

Et pourtant, Céline a un partenaire. Que dire alors des femmes et des hommes qui n’ont pas ce soutien ?

  • Pour une mère ou un père complètement seul.e, la charge mentale est un poids total, sans relais. Chaque décision, chaque anticipation repose sur leurs épaules, qu’il s’agisse des enfants, du travail, ou de leur propre santé (souvent relégué au dernier plan).
  • Pour une famille monoparentale, chaque tâche est amplifiée, car il n’y a personne pour « aider », encore moins pour partager.

Selon Santé Publique France (2023), 42 % des femmes salariées déclarent ressentir une forte charge mentale professionnelle, contre 29 % des hommes. Mais à cela s’ajoute la charge domestique et familiale, qui reste souvent déséquilibrée.

Résultat ? 66 % des cas de burn-out concernent des femmes. La double charge – professionnelle et personnelle – crée un terrain fertile pour l’épuisement physique et mental.

Alors, pour alléger cette charge, il ne suffit pas d’« aider ». Il faut partager.

  • Prendre l’initiative au lieu d’attendre qu’on nous dise quoi faire.
  • Assumer une partie de l’anticipation : penser aux besoins de la maison, des enfants, ou du couple.
  • Reconnaître que la charge mentale ne doit pas être portée seule.

Le problème de la charge mentale n’est pas individuel. C’est une question de répartition des responsabilités et de normes à déconstruire. Que ce soit à la maison, au travail, ou dans la société, il est urgent de mieux comprendre et rééquilibrer ces poids invisibles.

Aurélia Schneider, La charge mentale des femmes - Aurélia Schneider
La Charge mentale des femmes et celle des hommes illustrée - Aurélia Schneider

L'importance du temps pour soi

On connaît tous cette femme, pas vrai ? Celle qui gère tout comme une cheffe. Celle qui a une carrière brillante, des enfants impeccables, et un agenda réglé au millimètre. Et, bien sûr, celle qui a toujours un paquet de mouchoirs dans son sac pile quand ton gamin a de la morve au nez et que, toi, tu as oublié les tiens (comme d’hab).

C’est le genre de personne qui te fait te demander : Mais comment elle fait ? Elle a l’air de tout anticiper, d’être sur tous les fronts, et de garder le sourire en plus. On l’admire. On l’envie un peu, parfois. Et puis, soyons honnêtes, on culpabilise aussi. Moi, je galère déjà à préparer les goûters sans oublier les affaires de sport...

Mais voilà le truc : derrière cette maîtrise apparente, il y a souvent un coût qu’on ne voit pas. Parce que gérer, jongler, anticiper pour tout le monde, ça épuise. Et cette femme-là, elle mérite plus qu’un soupçon d’admiration... elle mérite qu’on partage un peu de son fardeau.

Avez-vous déjà pris un moment pour imaginer ce qu’elle ressent, à l’intérieur, quand elle porte autant de responsabilités tout en affichant un sourire rassurant ? Bien souvent, ce qu’on ne voit pas, ce sont ses propres besoins. A-t-elle le temps de s’arrêter ? De penser à elle ? De se ressourcer ?

Une étude Ipsos pour Qualisocial (2022) révèle que 49 % des actifs en France, et particulièrement les femmes, déclarent ne jamais ou rarement prendre du temps pour des activités personnelles ressourçantes.

Cette femme, celle qui a l’air de tenir le monde sur ses épaules avec une grâce presque insolente, finit souvent par s’oublier elle-même. Pourquoi ? Parce qu’elle est toujours occupée à être le pilier pour tout le monde. C’est beau, hein, la résilience ? Mais voilà, ce qu’on admire tant chez elle a un prix : celui de reléguer ses propres besoins tout au bout de la liste… juste après “acheter des chaussons pour la petite” et “répondre à cet e-mail urgent à 23h”.

Et si, au lieu de l’applaudir pour sa capacité à tout gérer, on commençait à réfléchir à une autre forme de résilience ? Une version un peu plus douce, un peu moins sacrificielle. Une résilience qui inclurait, tenez-vous bien, qu’elle prenne soin d’elle, pour une fois. Parce que, soyons honnêtes, on ne peut pas remplir le verre des autres si on n’a même pas de quoi remplir le sien.

Le repos et le ressourcement

Après une journée comme celle de Céline, où chaque minute est consacrée à répondre à des besoins, planifier des tâches, et jongler avec des responsabilités, la fatigue est inévitable. On pourrait penser que ce dont elle a besoin, c’est de repos. Mais est-ce suffisant ?

C’est ici que réside une distinction essentielle : celle entre le repos et le ressourcement, deux concepts souvent confondus, mais fondamentalement différents.

Le repos, c’est l’arrêt temporaire des sollicitations physiques ou mentales : on met sur pause, on recharge en dormant, ou simplement en restant inactif.

Mais le ressourcement, c’est une autre histoire. C’est ce truc qui va vraiment recharger nos batteries, pas juste mettre notre cerveau en veille. Et c’est souvent ça qui passe à la trappe. Parce que se ressourcer, c’est aller chercher ce qui nous fait vraiment du bien. Ce qui nous nourrit, au-delà de l’inactivité : lire un livre qu’on aime, se perdre dans une balade en forêt, rire avec des amis, ou simplement prendre un moment pour soi, sans distractions.

Le ressourcement, c’est faire quelque chose qui calme notre système nerveux et nous recentre. Sur le plan neuroscientifique, il s’agit d’activités qui réduisent la production de cortisol, cette fameuse hormone du stress, tout en activant des zones du cerveau associées à la satisfaction et au bien-être, comme le système de récompense. En étant pleinement engagé dans une activité plaisante, sans pression extérieure, on permet à notre esprit de retrouver un équilibre apaisé.

C'est donc bien plus qu’une pause : c’est une manière active de retrouver de l’énergie mentale et émotionnelle, un vrai antidote à l’épuisement progressif. Selon l’Observatoire B2V des Mémoires (2023), les moments de concentration calme et prolongée sur des activités non productives (lecture, dessin, jardinage) améliorent de 15 % les capacités cognitives et diminuent de 40 % le niveau de stress ressenti.

Différencier repos et ressourcement, c’est apprendre à mieux utiliser son temps libre pour préserver son équilibre mental. Se poser, souffler, et ne rien faire est essentiel, bien sûr. Mais si vous adorez lire, jardiner, ou peindre, et que vous repoussez sans cesse ces activités parce que vous les jugez "pas importantes", réfléchissez-y. Ces moments que vous vous refusez pourraient bien être ceux qui nourriraient le plus votre bien-être.

Une expérience sociale bouleversante qui révèle combien les femmes qui prennent soin des autres oublient souvent de prendre soin d'elles-mêmes.

Pourquoi est-il si difficile pour les femmes de prendre du temps pour soi ?

Des inégalités qui se dessinent dès le plus jeune âge

Dès que l'on est enfant, les rôles se dessinent, souvent sans que l'on s’en rende compte. C’est l’éducation genrée : ces petits messages qu’on intègre sans même les questionner. Par exemple, les filles, on leur apprend très tôt à penser à tout. « Prépare ton sac pour demain. » « Aide ton petit frère. » « Sois organisée, sinon tu risques d’être débordée. » Et à chaque fois, on les félicite pour leur sens des responsabilités. Ça a l’air de rien, mais en vrai, ça pose les bases d’un truc bien plus lourd.

Parce qu’à force de les encourager à anticiper, les filles finissent par croire que c’est leur rôle naturel. Qu’il faut toujours penser pour tout le monde. Ça commence avec un sac à dos à préparer, et ça finit par jongler entre les rendez-vous médicaux, les devoirs des enfants, le dîner du soir et ce foutu rapport à rendre au boulot avant 9h.

Et à l’adolescence, ça continue. On leur demande d’être compréhensives avec les garçons. « Les garçons sont moins matures, sois patiente. » Traduction ? Toi, adapte-toi, prends sur toi, fais le boulot émotionnel. On leur colle cette étiquette : celle de celles qui gèrent, qui compensent, qui préviennent les bêtises des autres.

Et voilà ce que cela donne à l’âge adulte : des femmes qui n’ont plus le réflexe de dire non, qui culpabilisent si elles ne prennent pas soin des autres avant elles-mêmes. Ce n’est même pas qu’elles ne veulent pas déléguer, c’est qu’on leur a appris, toute leur vie, que ce n’était pas leur place.

Alors non, la charge mentale des femmes ne tombe pas du ciel. C’est pas un mystère, ni une question d’aptitudes innées. C’est un rôle qu’on leur impose doucement, subtilement, dès qu’elles sont petites. Et si on arrêtait ça ? Si, dès l’enfance, on arrêtait de dire aux filles qu’elles doivent tout prévoir, tout porter, tout anticiper ? Si on apprenait enfin à tout le monde, peu importe le genre, que les responsabilités se partagent, et qu’on n’a pas à tout gérer pour être une « bonne personne » ?

Le rôle de l'entourage

Ces inégalités, ancrées dès l’enfance, ne s’arrêtent pas en grandissant : elles évoluent, se renforcent, et finissent par façonner la manière dont les femmes perçoivent et gèrent leur temps, souvent au détriment de leur propre santé.

Et cette phrase "Tu devrais prendre du temps pour toi.", pleine de bonnes intentions, peut devenir un véritable coup de massue.

Parce qu’on le sait, qu’on en a besoin. Mais si on n’arrive pas à le faire – parce que la pression est trop forte, ou parce que les impératifs s’empilent – entendre ce conseil, ça ne fait qu’ajouter une couche de culpabilité. Ah oui, je devrais... mais comment ? Et à quel moment ?

Et puis, il y a le pire scénario : on trouve enfin un moment pour soi, mais même là, impossible de décrocher. On est là, censé se détendre, mais notre cerveau est déjà reparti sur la liste des choses à faire. Alors, au lieu de se ressourcer, on culpabilise : J’aurais peut-être dû utiliser ce temps autrement...

Ce n’est pas qu’une impression. Une enquête de l’Ifop pour VieHealthy (2022) montre que 74 % des femmes ressentent de la culpabilité quand elles prennent du temps pour elles, parce qu’elles ont l’impression de négliger d’autres responsabilités. Et selon le Baromètre de la charge mentale de l’Observatoire Qualisocial (2023), 66 % d’entre elles estiment qu’elles n’ont ni les moyens organisationnels ni le soutien nécessaire pour alléger leur emploi du temps et prioriser leur bien-être.

Mais voilà le truc : ce n’est pas juste une histoire de "mieux s’organiser" ou de "s’accorder le droit". Cette surcharge mentale ne repose pas sur les épaules d’une seule personne. Elle vient d’un système entier, qui manque cruellement de soutien, à tous les niveaux.

Les entreprises, les conjoints, les familles, les proches... tout le monde a un rôle à jouer. Les responsabilités domestiques doivent être partagées équitablement, pas juste "aidées". Les environnements professionnels doivent respecter les limites de chacun, au lieu de glorifier ceux qui s’épuisent à la tâche.

Et surtout, il faut qu’on arrête de forcer les femmes à "justifier" leur besoin de temps pour elles. Ce n’est pas un privilège. Ce n’est pas égoïste. C’est vital. Collectivement, je pense donc qu'il est temps de créer les conditions pour que "prendre du temps pour soi" ne soit plus une faveur qu’on se fait, mais un droit qu’on n’a même plus besoin de réclamer.

6 conseils pratiques pour dégager du temps pour soi, sans culpabiliser

Mais prendre soin de sa santé mentale ne se limite pas à reconnaître ces pressions ou à éviter l’épuisement : il s’agit aussi de cultiver des habitudes qui soutiennent durablement notre équilibre psychologique et émotionnel. Voici quelques pistes concrètes, à intégrer progressivement et sans se mettre la pression :

(Re)créer des liens humains authentiques

C’est un fait : nos relations jouent un rôle énorme dans notre santé mentale. Se reconnecter avec des proches, partager ce qu’on ressent, ou simplement passer du temps dans des activités collectives, ça crée un vrai sentiment d’appartenance. Et en plus, ça a le pouvoir magique de faire redescendre la pression.

Mais voilà, on a beau savoir tout ça, combien de fois on se sent seul.e, même entouré.e ? Combien de fois on se dit : "Je vais déranger si je parle de ce que je ressens." Ou pire, au boulot : "Si je dis que je suis à bout, on va penser que je ne suis pas capable."

C’est là qu’on peut – et qu’on doit – agir. Au travail, par exemple, pourquoi ne pas créer de vrais espaces de discussion où la parole est libre ? Où les femmes (et pas qu’elles, d’ailleurs) peuvent parler de leur charge mentale sans avoir peur d’être jugées. Rien que ça, ça brise l’isolement. Et souvent, on découvre qu’on n’est pas seul.e à ressentir cette fatigue invisible.

Former les managers, c’est aussi un levier essentiel. Parce que s’ils ne comprennent pas ce que leurs équipes vivent, comment pourraient-ils offrir des solutions adaptées ? Une écoute attentive, des horaires plus souples, ou même juste un "Comment ça va vraiment ?" sincère... Ce sont des petites choses qui, mises bout à bout, changent tout.

Apprendre à gérer le stress au quotidien

C’est une réaction normale, notre corps qui nous dit : "Attention, il y a un défi à relever !" Et parfois, c’est utile, ça nous booste, ça nous pousse à agir. Mais le problème, c’est quand le stress s’invite partout, tout le temps, et qu’il refuse de repartir. Là, il s’installe, mine de rien, et commence à grignoter notre santé mentale et physique. Et franchement, personne n’a besoin de ça.

Alors, comment on fait pour ne pas le laisser nous envahir ? Pas besoin de révolutionner sa vie. Parfois, ce sont les petits gestes qui font toute la différence :

  • Respirer profondément. Oui, c’est basique, mais ça marche. Cinq grandes respirations peuvent calmer votre esprit plus vite que vous ne le pensez.
  • S’essayer à la pleine conscience. Pas besoin de méditer des heures. Juste prendre 5 minutes pour être là, vraiment là, sans se laisser emporter par ses pensées.
  • Écrire ce qui nous pèse. Parfois, mettre les choses sur papier, c’est comme les sortir de sa tête. Et croyez-moi, ça libère de l’espace.

Le plus important, c’est d’y aller à son rythme. Pas de pression, pas de "il faut". Vous essayez une fois, puis deux, puis ça devient un réflexe. Et à force, ces petites pratiques, c’est comme une trousse de secours mentale : vous les sortez dès que ça commence à déborder.

Pratiquer l'auto-compassion

Trop souvent, les femmes se jugent sans pitié : "Je n’en fais pas assez." "Je pourrais mieux faire." Et pour couronner le tout, la culpabilité pointe son nez dès qu’elles osent ralentir ou prendre du temps pour elles. Mais franchement, pourquoi ce traitement ? On n’oserait jamais parler à une amie comme on se parle à soi-même. Alors pourquoi ne pas appliquer un peu d’indulgence envers soi ?

Cultiver l’auto-compassion, c’est apprendre à se traiter avec bienveillance, à reconnaître ses limites, et à se dire qu’on fait de son mieux – et que c’est déjà énorme. Par exemple, au lieu de se répéter : "Je n’ai pas fini cette tâche," on pourrait dire : "J’ai terminé ce dossier et je n’ai pas encore fini cette tâche." Ce simple changement de mot – passer de "mais" à "et" – change tout. Avec "mais", on minimise immédiatement ce qu’on a accompli. Avec "et", on reconnaît le chemin parcouru tout en acceptant qu’il reste encore des étapes.

Parce que, spoiler alert : ce n’est pas parce qu’il vous reste des choses à faire que tout ce que vous avez déjà fait ne compte pas.

Alors la prochaine fois que vous sentez la petite voix critique se réveiller, posez-vous une question : "Comment est-ce que je parlerais à une amie dans cette situation ?" Vous lui diriez sûrement : "Tu fais déjà beaucoup, sois fière de toi." Et vous savez quoi ? Vous méritez de vous dire exactement la même chose.

Adopter une activité physique régulière

L’exercice physique, c’est bien plus qu’une affaire de muscles ou de calories. C’est un véritable allié pour la santé mentale. Et pas besoin d’en faire des tonnes : l’essentiel, c’est de se mettre en mouvement.

Qu’il s’agisse de marcher un peu plus au lieu de prendre la voiture, de tenter un cours de yoga, ou de chausser vos baskets pour une petite course, chaque geste compte. Bouger, même un peu, c’est réduire les tensions accumulées, libérer ces fameuses endorphines (les hormones du bonheur), et retrouver cette sensation d’être bien dans son corps et dans sa tête.

Alors non, pas besoin de courir un marathon ou de passer des heures à la salle de sport. Une balade dans le quartier, quelques étirements au réveil, ou même danser dans votre salon sur votre playlist préférée, ça suffit déjà pour faire du bien. Parce qu’au fond, bouger, c’est aussi une façon de se reconnecter à soi-même.

Prendre soin de son sommeil et de son alimentation

Tout comme l’activité physique, ces deux fondamentaux ont un impact direct sur notre capacité à gérer le stress et sur notre énergie au quotidien.

Un sommeil réparateur, c’est plus qu’une nuit de repos : c’est permettre à notre corps et à notre esprit de récupérer pleinement pour affronter une nouvelle journée. Couplé à une alimentation équilibrée, il renforce la régulation émotionnelle, prévient les coups de mou, et améliore notre résilience face aux pressions du quotidien.

On les voit souvent comme secondaires, mais en réalité, ces deux piliers sont les fondations de tout. Prenez-en soin : votre corps et votre esprit vous remercieront.

Trouver du temps pour des activités ressourçantes

Pratiquer des activités qui vous font du bien – lire, méditer, jardiner, peindre – est bien plus qu’un simple loisir : c’est une façon de vous reconnecter à l’instant présent, de réveiller vos circuits du plaisir et de reprendre doucement les rênes de votre quotidien.

Mais attention, pas question de transformer ces moments en nouvelles obligations. Prenez-les comme des petits ajustements à intégrer, à votre rythme, sans pression. Chaque geste, même minime, dans cette direction, contribue à votre mieux-être et éloigne les risques d’épuisement.

Quelques mots pour conclure...

On peut continuer à remettre en cause ce sujet : “la santé mentale des femmes”. On peut continuer à détourner la conversation en disant : “Oui mais il y a des hommes qui souffrent aussi”. Ce qui est vrai, bien sûr. Mais est-ce que ça annule les réalités spécifiques que vivent les femmes ? Absolument pas.

Refuser d’aborder cette thématique sous prétexte qu’elle serait "clivante", c’est comme balayer la poussière sous le tapis. On ne résout rien. Et pendant ce temps, les femmes continuent d’être les premières touchées par la charge mentale, par des attentes sociales écrasantes, par un système qui les pousse à jongler avec tout, tout le temps, sans jamais craquer (ou en silence, si elles craquent).

Dire “et les hommes alors ?”, c’est refuser de voir que ce dont on parle ici, ce sont des inégalités structurelles, pas un concours de souffrance. Oui, les hommes aussi ont des défis en matière de santé mentale. Mais ça ne change rien au fait que les femmes, elles, subissent des pressions et des schémas spécifiques qui affectent leur équilibre au quotidien.

On ne règle pas les problèmes de santé mentale en les opposant. On les règle en les regardant pour ce qu’ils sont, avec leurs spécificités, et en agissant dessus. Alors, est-ce qu’on peut arrêter de détourner le sujet et commencer à s’y attaquer, sérieusement ? Parce que pendant qu’on débat, il y a des vies qui s’usent.

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