L'épuisement professionnel est désormais reconnu comme un syndrome complexe, plutôt qu'une maladie formellement définie. Cette distinction met en lumière la nécessité urgente d'affiner notre compréhension et de renforcer nos connaissances autour de cette problématique majeure. De nos jours, l'expression "Je suis en burn-out" est fréquemment entendue dans les conversations, utilisée parfois à tort et à travers, évoquant le souvenir des mésusages du terme "harcèlement" par le passé. Bien que ce terme puisse être galvaudé, il reflète une souffrance réelle et profonde, affirmant que le burn-out n'arrive pas qu'aux autres.
Je vous propose d'explorer la définition de ce syndrome, d'identifier ses causes principales, et de discuter des meilleures pratiques pour le prévenir ou le soigner. Cette approche nous permettra de mieux cerner ce phénomène du 21ème siècle, qui continue d'affecter un nombre croissant de professionnels à travers le monde.
C’est quoi exactement un burn-out ?
Le syndrome de burn-out, bien que largement reconnu dans le discours populaire, ne figure pas comme une catégorie spécifique de maladie psychiatrique. Ce syndrome complexe, souvent précurseur de la dépression ou de troubles somatiques, est principalement ancré dans la sphère professionnelle, bien qu'il puisse éventuellement se propager à la vie personnelle du sujet.
Contrairement à la dépression qui infiltre tous les aspects de l'existence d'une personne, le burn-out commence et se manifeste principalement au travail, reflétant une dégradation de la santé mentale liée directement aux conditions de travail.
« Mon métier, je l’aime, je l’ai choisi, j’ai tout fait pour y arriver… Depuis plusieurs semaines, j’ai l’impression d’être vidé de l’intérieur. Je n’ai plus d’énergie pour me lever le matin, plus envie… J’ai trop de projets en cours, je passe de l’un à l’autre et je n’en vois jamais le bout. J’ai l’impression de n’avoir jamais le temps de faire correctement mon travail. Je supporte de moins en moins mes collègues, les demandes de mon responsable. On accepte des projets qu’on ne devrait pas accepter. Le chiffre, le chiffre, toujours le chiffre… Je n’ai pas choisi de faire ce métier pour ça. »
La compréhension du burn-out en tant que tel nécessite une approche qui ne se limite pas à une « psychologisation » du problème. En effet, attribuer le burn-out uniquement à des causes psychologiques individuelles reviendrait à négliger les aspects structurels et collectifs qui jouent un rôle tout aussi crucial.
L'environnement de travail, les dynamiques organisationnelles et les relations professionnelles sont souvent des vecteurs significatifs de ce syndrome. Ainsi, pour aborder le burn-out de manière effective, il est essentiel de considérer à la fois les facteurs individuels et organisationnels.
Comprendre la "maladie du surengagement" et ses mécanismes sous-jacents
Qualifié de « maladie du surengagement » par certains experts, ce syndrome affecte particulièrement les personnes qui investissent excessivement dans leur travail, souvent au-delà d'une simple contrepartie financière. Le workaholisme, ou addiction au travail, peut précipiter un individu vers le burn-out, surtout lorsqu'il est confronté à des changements brusques, des remises en question de ses compétences, ou des crises identitaires.
Toutefois, même sans une tendance au workaholisme, divers facteurs comme un déficit de reconnaissance, un manque de soutien en période de crise, ou un management inadéquat peuvent mener à l'épuisement professionnel.
Les travaux de Christina Maslach, notamment sur le burn-out des soignants dans les années 1970, ont mis en lumière les mécanismes de ce syndrome. Maslach a identifié un processus où le soignant, après un engagement excessif et émotionnel, commence à se désinvestir pour se protéger de l'épuisement total, conduisant à une déshumanisation des soins prodigués. Ce phénomène illustre la perte d'accomplissement professionnel, un aspect central du burn-out.
Le burn-out est toujours l’expression individuelle d’un dysfonctionnement organisationnel .
Adrien Chignard, psychologue du travail et des organisations
Le burn-out est un processus complexe qui résulte de l'interaction entre l'individu et un environnement de travail problématique. Son apparition peut souvent être décrite en quatre étapes : enthousiasme initial, surinvestissement, désillusion et finalement, l'épuisement total ou burn-out.
Des chiffres qui forcent notre inquiétude
Et 2022, c'était 2,5 millions de salariés qui étaient en état de burn out sévère après cette longue période de crise sanitaire. 34% de salariés en situation de burn-out, c’est inquiétant et cela mérite que nous y accordions notre attention dans notre sphère professionnelle mais également personnelle.
Comment ont-évolué ces chiffres en 2023 ?
12ème baromètre d’Empreinte Humaine - 2023
Secteur public : 53% des salariés en détresse
Secteur privé : 47% des salariés en détresse
Managers : 52% en détresse, augmentation de 8 points
Salariés de plus de 60 Ans : 60% en détresse, augmentation de 32 points
Jeunes actifs : 55% en détresse psychologique
Femmes : 53% en détresse psychologique
En 2022, c'était 41% des salariés qui se disaient en état de détresse psychologique. Le terme « état de détresse psychologique » c’est celui qui nous permet d’évaluer le nombre de personnes touchées par la dépression ou l’anxiété par exemple. En 2023, ce sont désormais 48% des salariés qui se disent en détresse, dont 17% à un niveau élevé.
Cette situation est influencée non seulement par des facteurs externes tels que la permacrise et l’inflation, mais aussi par des aspects liés au travail, avec 70% des salariés considérant que leur travail contribue à leur détresse psychologique.
Vers une meilleure reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle
En France, la reconnaissance des maladies professionnelles est réglementée par des critères stricts, établis par les tableaux de la sécurité sociale. Actuellement, pour qu'une maladie soit officiellement reconnue comme professionnelle, elle doit figurer dans l'un des 57 tableaux annexés au Code de la sécurité sociale ou être validée par un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) dans un cadre plus exceptionnel et complémentaire. Toutefois, cette approche présente des lacunes significatives, particulièrement évidentes dans la gestion des cas de burn-out, qui ne figurent pas explicitement dans ces tableaux.
Le burn-out, malgré son impact grandissant sur la santé au travail, peine à être reconnu comme une maladie professionnelle. Cela s'explique en partie par la complexité de ses symptômes et de ses causes, qui impliquent souvent une interaction entre le stress chronique au travail et des facteurs personnels. Cette situation rend bien difficile l'application des critères traditionnels de reconnaissance des maladies professionnelles.
Des propositions concrètes* sont mises en avant pour améliorer la situation. Premièrement, l'élaboration d'un nouveau questionnaire destiné aux médecins pourrait faciliter le diagnostic précoce du burn-out. Cet outil serait conçu pour aider les professionnels de santé à identifier les signes de l'épuisement professionnel et à intervenir avant que la situation ne s'aggrave.
Ensuite, le renforcement du maillage territorial avec des consultations multidisciplinaires est envisagé. Ces centres offriraient un accès facilité à des équipes composées de médecins, psychologues, et autres spécialistes du travail, permettant une prise en charge globale et coordonnée.
Enfin, la création d'un site Internet public dédié fournirait des ressources tant aux victimes de burn-out qu'aux professionnels de santé. Ce portail offrirait des informations sur les symptômes, les traitements possibles et des guides pratiques pour naviguer dans le processus de reconnaissance de la maladie professionnelle.
Ces axes de développement représentent une évolution cruciale vers une meilleure reconnaissance et prise en charge du burn-out en tant que maladie professionnelle, et leur mise en place est très clairement une adaptation nécessaire des politiques de santé au travail à la réalité contemporaine des environnements professionnels.
Que constate-t-on chez quelqu’un qui souffre du syndrome d’épuisement professionnel ?
Les signes et les symptômes se rapprochent d’un état de stress qui peut devenir chronique et avoir des répercussions sur la santé.
Le burn-out se traduit de plusieurs manières :
- Manifestations émotionnelles : sentiment de perte de contrôle, peurs mal définies, tensions nerveuses, irritabilité ou bien ne manifester aucune émotion.
- Manifestations physiques : troubles du sommeil, fatigue chronique, douleurs rachidiennes (dos, nuque), maux de tête, vertiges, nausées.
- Manifestations cognitives : perte de concentration, difficultés à prendre des décisions, à raisonner.
- Manifestions comportementales ou interpersonnelles : repli sur soi, isolement social, agressivité voir violence, perte d’empathie, ressentiment ou hostilité face aux personnes côtoyées professionnellement, recours aux drogues/alcool/médicaments.
- Manifestations motivationnelles ou liées à l’attitude : désengagement professionnelle, baisse de motivation, moral en berne, effritement des valeurs associées au travail, remise en cause, dévalorisation.
Il est aussi urgent de former les directions, ressources humaines et managers à détecter les signaux faibles (ou forts) collectifs qui peuvent indiquer un risque accru de burn-out au sein d'une organisation.
L'organisation du travail doit être scrutée pour identifier les structures potentiellement problématiques, telles que des hiérarchies rigides ou floues, des communications internes déficientes, et un manque de clarté dans les rôles de chacun. Ce sont des facteurs qui peuvent contribuer à une confusion et à un stress accru parmi les travailleurs, augmentant ainsi leur risque de burn-out.
La surcharge de travail est également un indicateur clé. Elle se manifeste lorsque les employés sont régulièrement contraints de travailler au-delà de leurs capacités, souvent sans reconnaissance adéquate ou compensation. Cela peut mener à un épuisement professionnel rapide, surtout si cet état est chronique.
Les exigences émotionnelles, souvent sous-estimées, jouent un rôle crucial. Les emplois qui requièrent un investissement émotionnel constant, comme ceux dans le domaine des soins, de l'enseignement ou du service client, peuvent être particulièrement éprouvants.
Les facteurs identifiés dans le rapport Gollac, qui comprennent la sécurité de l'emploi, l'autonomie au travail, les conflits de valeurs, les rapports sociaux et la reconnaissance au travail, sont autant de dimensions à surveiller. Une faiblesse dans ces domaines peut être prédictive de problèmes psychosociaux plus larges, y compris le burn-out.
Concernant le coût économique et social du burn-out, il est considérable, bien que difficile à quantifier précisément en raison de l'absence d'une définition unifiée et acceptée du syndrome. Néanmoins, les rapports existants estiment que le coût annuel du stress au travail peut atteindre entre 2 et 3 milliards d'euros. Ce chiffre souligne l'importance économique de l'investissement dans la santé mentale au travail, non seulement pour améliorer le bien-être des employés mais également pour réduire les coûts pour les entreprises et la société dans son ensemble.
Peut-on mesurer notre état d'épuisement professionnel ?
Il existe différents outils de mesure, le plus connu étant le MBI ( Maslach Burnout Inventory). Ce test vous permet d'évaluer l'atteinte psychologique perçue au travail au travers de 22 questions qui explorent 3 dimensions : l'épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et le degré d'accomplissement personnel au travail.
Il existe aussi l’outil de repérage du burn-out et le stressomètre entrepreneurial de l’observatoire Amarok.
C'est dans ce contexte que se justifie la création d'infrastructures dédiées, telles que le centre PSYPRO Lyon, implanté au 20 avenue du Général Dayan à Villeurbanne. Ce centre de jour spécialisé fait partie d’un réseau plus large, les centres PSYPRO du groupe Ykoé, et concentre ses efforts sur le traitement des psychopathologies du travail.
Le PSYPRO Lyon, autorisé à opérer en tant que structure de soins en psychiatrie générale pour des hospitalisations partielles de jour, se démarque par son approche ciblée. Il s'attaque aux divers troubles psychiques générés par le milieu professionnel, incluant le burn-out, le bore-out, la dépression, ainsi que les psychotraumatismes.
Comment soigne-ton un burn-out ?
Pour soigner un burn-out, il convient de prendre soin de deux éléments essentiels :
- l’organisation, l’environnement et les relations de travail
- l’individu lui-même
Dans le cas d’un burn-out dans une entreprise, une démarche collective de prévention doit être mise en place. A défaut, l’entreprise risque d’être confrontée à nouveau aux mêmes maux. Les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Il est donc nécessaire de chercher les causes et d’avoir une action sur l’environnement professionnel : charge de travail trop élevée, extension des amplitudes horaires, isolement, absence d’espace de discussion, manque de soutien de la hiérarchie ou des collègues ? D’où cela peut-il provenir ?
« Adapter le travail à l’homme et non pas l’homme au travail »
INRS
Du côté individuel de la prise en charge du burn-out, l'approche thérapeutique est essentielle. Elle assure une récupération effective du patient. Les programmes de soins qui peuvent être proposés doivent être intégratifs et multidimensionnels, alliant des interventions individuelles à des activités de groupe, pour une approche systémique de la santé.
Sur le plan individuel, la psychothérapie et la psychoéducation sont centrales. Elles permettent au patient de comprendre les mécanismes psychologiques à l'œuvre, de reconnaître les signaux d'alerte précurseurs du burn-out, et de développer des stratégies pour gérer le stress et les émotions. Ces séances offrent un espace sécurisé où le patient peut explorer ses sentiments et apprendre à modifier ses réactions habituelles face aux situations stressantes.
Parallèlement, l'approche groupale enrichit le parcours de soin par des ateliers qui favorisent la créativité, la réflexion personnelle et l'interaction sociale. Des groupes peuvent être formés autour de thèmes variés tels que l'estime de soi, l'image de soi, la conscience de soi, ainsi que le positionnement relationnel et la gestion de la contrainte. Ces ateliers encouragent les patients à exprimer leurs pensées et émotions de manière constructive, à travers des activités psycho-artistiques ou des séances d'éducation physique adaptée, contribuant ainsi à leur rétablissement émotionnel et physique.
Quelles actions peut-on mettre en place pour prévenir ?
Voici quelques exemples d’actions qui peuvent être mises en place :
- Informer et former TOUS les salariés et TOUTES les fonctions pour que chacun soit en capacité de détecter d’éventuels signaux émanant de leurs collègues ou d’eux-mêmes : faire connaître, faire savoir que le burn-ou n’est pas un signe de fragilité individuelle, sortir de l’isolement, lever les potentiels tabous…
- Veiller à la charge de travail que l’on soit travailleur salarié ou non-salarié : planification du travail, respect de la prise de congés, réflexion (collective en entreprise) sur les objectifs et les moyens pour les atteindre
- Renforcer le soutien social : se sentir aimé et apprécié, être bien entouré par des gens en qui l’on a confiance et qui nous font confiance : cela augmente la capacité à faire face aux évènements traumatiques et protège notre bien-être psychologique.
- Donner le sentiment au travailleur de participer aux prises de décision, que son avis soit écouté et pris en compte, que son travail soit reconnu.
Pour mener ces actions en entreprise, les services de ressources humaines, l’encadrement, les services de santé au travail jouent un rôle prépondérant.
Pour les travailleurs non-salariés, il est nécessaire de sensibiliser tout l’éco-système de l’entrepreneur : structures d’accompagnement, organisations patronales, Chambre de commerce et d’industrie, Chambre de métiers et de l’artisanat, chambre d’agriculture mais aussi experts-comptables, avocats, et tout autre acteur qui accompagne le dirigeant au quotidien.
Comment peut-on aider quelqu’un qui souffre du syndrome d’épuisement professionnel ?
Pour approcher la personne que l’on souhaite aider, on peut commencer par prononcer des phrases simples :
- « Je suis inquiet pour toi et je veux t’aider »
- « Je te sens préoccupé en ce moment, tu veux en parler ? »
- « Je te sens en souffrance, sache que je suis là pour toi »
Vous pouvez exprimer votre ressenti en parlant au « Je » et en évoquant des éléments factuels.
L'idéal est d'adopter des stratégies de communication non verbale (CNV) qui favorisent l'ouverture et la confiance. Afficher une posture ouverte, maintenir un contact visuel bienveillant et utiliser des gestes apaisants peuvent grandement contribuer à créer un environnement sécurisant pour la personne.
On peut également décider d'aborder ces échanges sans jugement, en faisant preuve de compréhension et d'empathie. Reconnaître et accepter le déni comme un symptôme possible du syndrome d'épuisement professionnel est également important. Approchez-vous avec l'intention sincère d'écouter et de comprendre, sans forcer la conversation ni imposer des solutions.
Vous pouvez choisir un moment où la personne semble disponible, lui proposer de vous installer dans un endroit calme où vous ne serez pas déranger et débuter une conversation pendant laquelle vous essaierez de « suspendre » votre jugement.
Il est ensuite possible de l’orienter vers un professionnel de santé, la médecine du travail, le service des ressources humaines ou d’autres ressources comme des associations :
Je vous partage également ce guide qui recense les dispositifs nationaux proposant du soutien psychologique par téléphone, tchat, internet. On peut appeler ces lignes quand on se sent angoissé, qu'on a besoin de parler ou qu'on cherche de l'aide : https://www.psycom.org/sorienter/les-lignes-decoute/.
Pour ceux qui cherchent également à aborder le sujet du burn-out et de la gestion des émotions en famille, je vous recommande vivement le livre "La petite goutte d'eau qui s'en voulait d'avoir fait déborder le vase" d'Adrien Chignard. C'est une ressource précieuse pour expliquer de manière douce et accessible les impacts émotionnels profonds à nos enfants, les aidant ainsi à comprendre ce qu'un parent peut traverser. Un outil formidable pour ouvrir le dialogue sur des thèmes sensibles avec empathie et soutien.
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* La mission d'information relative au syndrome d'épuisement professionnel, ou burn out, présidée par Yves Censi (LR, Aveyron), dont le rapporteur est Gérard Sebaoun (SER, Val-d'Oise) https://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i4487.asp
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